Intervention liminaire de Luc BOURDUGE,
Vice-président aux transports et à la mobilité.
Le Conseil régional d'Auvergne réunissait ce soir les élu-e-s pour une session extradordinaire. Il s'agissait d'analyser et voter le protocole d'accord sur le Contrat de Plan Etat-Région (CPER) ainsi que le tracé de la future ligne grande vitesse Paris-Orléan-Clermont-Lyon Vous trouverez ci-dessous l'intervention de Luc BOURDUGE qui a donné les positions du groupe Front de gauche sur ces deux sujets.
Monsieur le Président, mes chers collègues,
Pour ce CPER, le constat est sans équivoque : une baisse historique de l’engagement financier de l’Etat pour les six volets qui composeront le Contrat de plan 2015/2020. Sans intégrer le volet routier, la participation de l’Etat représentera à peine 51,6% de la somme totale de la contractualisation.
C’est indéniablement du jamais vu, puisque dans le contrat signé en 2007, le rapport entre l’Etat et la Région était de 60% pour le premier et 40% pour la seconde. Et la baisse des crédits qui s’évalue à environ 96,2 M€ d’engagements en moins de la part de l’Etat, nous laisse à penser que ce gouvernement se moque ouvertement de l’Auvergne, des Auvergnats et de leurs besoins.
Nous pouvons même imaginer le pire pour l’avenir puisque la mission qui vient d’être confiée à Madame la Député Christine Pires-Beaune, pour plancher sur une meilleure répartition des dotations tout en intégrant la baisse de celle-ci, pourrait bien aboutir sur moins de moyens pour la future grande Région Auvergne-Rhône-Alpes puisqu’on dorénavant nous serons une région riche, ne bénéficiant sans doute pas de la péréquation forfaitaire…
En 2007, nous déplorions déjà une réduction des engagements étatiques. Dans le rapport de présentation du Contrat de projets Etat-Région présenté lors de la session du 5 février 2007, vous écriviez, Monsieur le Président, je cite : « le montant des sommes engagées par l’Etat (233.5 M€) est sans commune mesure avec les sommes nécessaires pour accompagner l’Auvergne sur la voie d’un réel développement ». La négociation que vous aviez alors engagé, avec l’Etat, avait pu aboutir à l’obtention d’environ 50 M€ supplémentaires.
Même si cette somme était déjà en deçà des besoins, que devrions-nous dire sur les montants actuels qui se sont réduits à peau de chagrin ? Allons-nous engager un véritable bras de fer avec l’Etat pour obtenir plus de moyens ?
Encore une fois, obnubilé par une réduction aveugle de la dépense publique, l’Etat applique à la lettre une politique d’austérité au détriment du réseau ferroviaire, de la mobilité, de l’emploi, du développement territorial, de l’université, de nos outils de recherches et d’innovation, et de l’aménagement du territoire.
Ce sont l’ensemble des collectivités territoriales qui vont subir ce nouveau désengagement massif de l’Etat. Alors qu’une grande partie d’entre elles ont déjà eu de la peine à boucler leurs budgets, du fait des coupes sombres opérées dans les dotations globales de fonctionnement, les moyens alloués à leurs projets territoriaux dans le CPER vont, eux aussi, se réduire. Les collectivités seront obligées d’en rabaisser sur leurs ambitions et sur le niveau de leurs différents projets.
Concernant les objectifs qui charpenteront le CPER, nous pouvons pointer de singulières contradictions avec la politique ultralibérale du gouvernement actuel.
En effet, nous nous fixons, conformément au SRADDT, l’ambition de développer la mobilité dans le respect des règles de diminution des gaz à effet de serre. Cet objectif essentiel devrait guider toutes les politiques publiques des collectivités et aussi de l’Etat. Sauf que le gouvernement, avec la loi Macron, actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale, roule à contresens de ce bien fondé écologique.
En souhaitant libéraliser le transport par autocar, l’Etat va ni plus, ni moins, développer une concurrence féroce avec le train et avec les politiques que nous finançons à grands coups de millions d’€ pour développer l’usage du chemin de fer, sans que nous puissions, en tant qu’AOT, dire notre avis sur le sujet puisque c’est à l’ARAF que revient le pouvoir décisionnel.
Et dans cette affaire les élus territoriaux que nous sommes, sont relégués au rang de simples gestionnaires de décisions prises par des technocrates parisiens !
Ce contresens écologique et social ne doit certes rien au hasard, puisque ce projet libéral accompagne une politique d’Etat basée sur la réduction du service public de transport ferroviaire de voyageurs, avec la suppression massive des lignes et des dessertes au plus grand mépris de l’aménagement du territoire. En plein cœur du Massif-Central, nous pourrions citer de nombreux exemples concernant les menaces qui pèsent lourdement sur le réseau régional, interrégional et national.
Et puis franchement, comment ne pas être choqué par les propos mensonger tenus par le rapporteur thématique sur la libéralisation des services d’autocar, le socialiste Gilles Savary. Ce dernier n’a pas hésité, la semaine dernière, à remettre en cause le service public de la SNCF en estimant qu’ « une grande part des difficultés de cette société tient au fait qu’on l’a très largement infantilisée et qu’elle a été subventionnée à l’excès.»
Je voudrais rappeler ici que, selon une étude de la commission européenne dans le cadre du débat sur le 4e paquet ferroviaire, utilisé par l’ARF d’ailleurs, la France est l’avant-dernier pays Européen sur le taux de subventionnement d’Etat apporté au gestionnaire d’infrastructures ferroviaires.
Alors qu’en Suède, la force publique subventionne le chemin de fer à hauteur de 90%, la moyenne européenne se situe à 50%, la France était en 2012 à 30% ! Donc bien loin des affirmations de Monsieur Savary !
Et pour compenser ce désengagement, les gouvernements successifs ont transformé les régions en véritables vaches à lait du système ferroviaire par le biais des péages payés à RFF, où là par contre, toujours cette même étude, nous sommes largement en tête des Régions Européennes avec une contribution 2 fois et demi supérieure aux régions Allemande, par exemple !
Entre 2007 et 2013, avec le CPER et le Plan rail, l’Etat et RFF auront réussi à mobiliser 264 M€. Pour la prochaine période cette somme est divisée par 4,5 environ alors que 300 M€ seraient nécessaires pour sauvegarder notre réseau et pour faire face aux dangers de fermetures de nombreuses lignes à l’horizon 2020.
De plus, sur les 12 M€ programmés par RFF, 8.5 M€ sont d’ores et déjà fléchés pour la gare de Clermont-Ferrand, les études pour la LGV et sur l’axe Clermont-Ferrand / Paris. L’Etat prenant les mêmes orientations que RFF en priorisant ces mêmes axes.
Au regard de tout cela, nous posons clairement la question : qui est intéressé, mis à part notre collectivité, par l’aménagement de l’ensemble du territoire Auvergnat ?
En tout état de cause ni l’Etat, ni RFF, puisque comme nous pouvons le constater sur l’axe 3 du volet mobilité qui concerne la remise à niveau du réseau régional sur le Puy-Firminy et la ligne des Cévennes (qui est aussi une ligne nationale), nous apportons 2/3 des financements.
Et pour ce qui est de l’avenir, il ne faudra pas non-plus compter sur la région Rhône-Alpes, qui rappelons-le, ne porte ses investissements que sur le développement de son réseau et non sur la régénération de l’existant. A titre d’exemple, Rhône-Alpes n’a jamais été intéressé sur la modernisation de la partie Rhône-Alpine de la ligne Clermont-St Etienne…
Le futur CPER sera donc, avant tout un CPER aux couleurs de l’austérité. Au regard de la faiblesse des moyens, le volet territorial nous parait très maigre au vu des défis qui nous attendent dans la future grande région Rhône-Alpes / Auvergne. Nous considérons, en effet, que le peu de projet soutenus et inscrits sur le contrat de plan va accentuer la fracture entre les métropoles et les territoires les plus fragilisés.
Dans la précédente génération des Contrats Auvergne +, notre institution aura pu consacrer 78.8 M€ en investissement, afin de soutenir plus de 900 projets. Au fil des ans nous avons su nous doter d’une véritable politique de solidarité avec l’ensemble des territoires de la région. Ce ne sera plus le cas avec les moyens qui nous sont donnés aujourd’hui, c’est une profonde remise en cause de notre politique d’aménagement équilibrée du territoire que nous avons impulsée depuis 2004.
Enfin, Monsieur le Président, je ne vais pas trop développer sur le second point de l’ordre du jour, le tracé LGV. J’aurai l’occasion de développer les arguments qui vous amène à nous proposer d’adopter le scénario Médian, lorsque j’aurai repris ma casquette de Vice-Président.
Le Groupe Front de Gauche votera en faveur des préconisations de ce rapport, en rappelant certains impératifs.
Nous ne doutons pas que la LGV puisse être un moteur d'attractivité pour les régions traversées. Elle doit permettre d’irriguer l’ensemble de notre territoire en transport ferroviaire.
Mais si d'un autre côté la politique de l’Etat consiste à ne pas apporter plus de moyens sur l’infrastructure et à se désengager de son rôle d’AOT des lignes nationales, réduisant ainsi le réseau secondaire de toute sa substance, les effets positifs de la grande vitesse vont très rapidement être limités !
Un mot tout de même sur un débat qui n’a pas lieu d’être : les différences de temps de parcours entre les deux scénarios et le nombre de circulations où l’Auvergne, y compris Montluçon, a des temps de parcours identiques, voir plus favorables avec le Médian.
Est-ce responsable de se plaindre que la liaison Bourges – Lyon dans le scenario Médian mettra 2h05 au lieu de 1h50, alors qu’aujourd’hui il faut, tenez-vous bien, 5h05 !
Est-ce responsable de la part du Maire de Moulins de soutenir aujourd’hui un projet Ouest, alors que tout au long du débat public il ne cessait de militer ardemment pour le plus à l’Est possible, excluant complètement l’Auvergne !
Enfin Monsieur le Maire de Montluçon, est-ce responsable de brasser autant de vent alors que ni dans le CPER précédent, ni dans celui-ci vous n’avez souhaité que la gare de Montluçon devienne un Pôle d’échange intermodal avec des financements Européens, des financements d’Etat, de la Région du Département et bien sûr de RFF et SNCF ?
Montluçon étant ainsi la seule ville d’Auvergne qui laisse périr à petit feu le transport ferroviaire.
Le Puy, Aurillac, Moulins, Vichy et bien sûr Clermont-Ferrand ayant fait d’autres choix !
Montluçon doit être encore la 5eme ou 6eme gare en nombre de passagers annuels, avec une poursuite du déclin de ce bassin, il est fort à craindre que cette gare ne soit plus qu’une gare régionale d’où ne partirons plus aucuns trains nationaux… alors pour ce qui est de l’arrivée du TGV…
Je voulais aborder aussi les questions environnementales qui sont extrêmement importantes, mais j’y reviendrai tout à l’heure.
Je vous remercie